http://politikal.hautetfort.com/archive/2007/03/18/la-segogocratie.html
Voilà en vérité des dizaines d’années que nous préparons le terrain à l’émergence d’une Ségolène Royal. Voilà maintenant des dizaines d’années que les critères qui font d’elle l’élément incontournable de la scène politique sont préparés, sélectionnés, travaillés. Elle est femme, et dans un monde post-68 tares qui ne s’est jamais remis intellectuellement de la fantastique opération de nivellement doctrinale par le bas des révolutionnaires foireux-bourgeois d’un certain mois de mai, le seul fait d’être femme, comme celui d’être un Arabe, un Noir, un homosexuel, bref le seul critère d’appartenance soit à une minorité soit à la gente féminine réputée opprimée depuis la nuit des Temps, suffit à rendre quoi que vous dites intéressant, et primordiale aux yeux de la caste idéologique régnante et accessoirement responsable de l’intronisation du simplisme en philosophie politique et morale. Ainsi « Ségo » est une femme, et une femme qui a probablement une foule de qualités mais dont la place dans le champ politique laisse comme une étrange sensation de désordre. Ses idées n’existent pas, ce qui d’ailleurs n’est guère étonnant et même plutôt cohérent dans un parti politique qui, lui non plus, n’en a aucune si nous nous accordons à penser, soyons fous, que la surenchère et la démagogie ne sont pas des idées. Ségo, la concubine du flan informe et incapable de charisme François Hollande, ne pense pas, et pour le prouver, en donnant à cette évidence le nom de « démocratie participative », elle met en ligne un site Web dans lequel elle demande aux Internautes de lui dire comment penser. Relativement original, mais tristement significatif.
Les médias, véritable vitrine du Système, y compris et surtout lorsqu’ils prétendent être à la limite de la dissidence politique –bonne blague, monsieur Khan-, à la manière des politiques en place qui ont besoin d’occuper le vide pour donner une impression d’existence et d’utilité, ont vu en Ségolène Royal le fait divers permanent tout trouvé, parfait, qui répondait exactement à ce qu’il fallait pour alimenter la Machine froide de l’illusion démocratique. Femme, de gauche, tenant tête au Premier flicaillon de France de la Place Beauvau, ancienne proche du mite errant ; un cocktail efficace, assez efficace pour faire d’elle la reine des sondages truqués et des articles apologétiques baveux. D’autant que la femme ne fait pas courir un bien grand risque à l’orthodoxie totalitaire-républicaine avec ses prises de positions toutes plus consensuelles les unes que les autres, même si par moment l’hypertrophie manipulatrice des médias a pu donner aux plus naïfs l’impression hélas sincèrement ressentie que ses idées sur les jeunes et les 35 heures représentaient un inqualifiable crime de lèse-gauchisme.
Le Parti Socialiste, marionnette destinée, comme les autres « partis de gouvernement », à entretenir l’illusion du multipartisme quand il n’est rien de plus, et rien de moins, qu’une pièce parmi tant d’autres d’une seule et même machine idéologique, ne se rend même pas compte 1) que leur petite élection interne allégrement médiatisée contredit l’essentiel de leur discours gauchiste sur l’uniformisation de tout et de tout le monde et 2) qu’une fois de plus, les sempiternelles et théâtrales frayeurs d’un « retour du fascisme » suite à l’accession au second tour en 2002 de Jean-Marie le Pen, n’étaient, là encore, que du verbiage de circonstances dont le seul but était d’entretenir un climat de psychose nécessaire à la perpétuation du Big-Brother. Les sbires savent bien que la porte du pouvoir est fermée à le Pen par toute une série de mesures allant du « barrage républicain » à la menace d’un éventuel embargo en passant par la peur fabriquée d’une « guerre civile » en cas de victoire lepéniste, mais les sbires aiment manipuler, aiment les sièges sur lesquels ils posent leurs fesses privilégiées, et ils savent, bien sur qu’ils savent, que la « menace le Pen » n’existe pas. Sinon, pourquoi est-ce qu’à quelques semaines maintenant de la première élection présidentielle depuis que le Pen est allé au second tour, ils ne sont pas encore en ordre de bataille, pourquoi ils ne savent même pas encore qui va représenter non le Système contre ses opposants mais l’une des têtes du Système, pourquoi sont-ils à ce point désordonnés, divisés, qu’ils sont contraints d’avoir recours à une élection interne pour savoir le nom de celui ou celle qui devra porter les couleurs et les idées d’un parti qui peine de plus en plus, même en interne, à aligner trois personnes capables de penser semblablement ? Si les apparatchiks se permettent autant de légèreté, de vide, de flou, à quelques semaines de l’élection présidentielle alors que les sondages et les intentions de votes n’ont jamais mis le Pen aussi haut qu’aujourd’hui – c’est-à-dire beaucoup plus haut qu’il ne l’était quelques jours avant le 21 avril-, c’est bel et bien qu’ils savent que de toutes façons, la « menace le Pen » n’est qu’un argument rhétorique mais qu’elle n’existe pas. C’est bel et bien qu’ils savent, les nobles démocrates des Droits de l’Homme, que le portail de l’Elysée est solidement fermé à le Pen.
Alors on occupe le vide. Compte tenu de la conjoncture, les seules propositions politiques qui, si elles étaient mises en application, permettraient un début de résolution des problèmes sont des propositions que les canons modernes du politiquement correct jugent avec les pires mots. On continue donc avec des idées plus consensuelles, plus faciles, qui ont certes déjà démontré leur nocivité mais dont on sait que le bon petit peuple les préfèrera toujours à celles dont on leur a affirmé, depuis l’enfance, par tous les moyens, qu’elles étaient horriblement racistes et contraires aux Droits de l’Homme. A défaut de pouvoir parler des vrais enjeux, on parle de Ségolène Royal, comme on donne à os à ronger. Il faut s’occuper jusqu’à l’élection, il faut bien que les journalistes remplissent leurs colonnes, il faut bien donner au monde l’illusion du travail. Pendant des semaines, pas un jour ne s’est écoulé sans qu’un sondage ne place Ségo plus haut encore que la vieille. L’électeur lambda, qui s’est formé et instruit en politique en regardant le 20H de Claire Chazal n’a pas besoin de plus qu’une Ségolène Royal pour croire que le débat avance. Elle est femme ; donc permet de briser le monopole masculin, victoire de la parité ; elle est socialiste, donc parfaitement conforme du point de vue idéologique à ce qu’attend d’elle Big-Brother, elle est victime du machisme de son propre mouvement, donc donne l’impression aux défenseurs de la Veuve et de l’Orphelin d’être dans leur rôle en la soutenant, elle, petit bout de femme coincée entre de vils et machistes phallus, elle est contre Sarkozy, donc attire à elle environ 4 journalistes sur 5. Tout est verbiage, inconsistance, mais l’électeur manipulé s’en contente.
Election interne au PS ; en langage officiel on parle d’investiture. Ségolène Royal, sans aucune surprise, l’emporte dès le premier tour, contre deux éléphants qui de toutes façons gouvernerons quand même en 2007, soit dans l’ombre, soit dans les locaux ministériels.
La gogocratie est pleinement satisfaite. Voilà des mois que nous nous pavanons à l’idée de la parité absolue et aboutie, oubliant les véritables problèmes qui se posent à nous : Ségo sera peut-être élue présidente de la République au mois de mai, et pendant encore un long moment nous nous pavanerons devant l’image d’un tailleur Coco Chanel sur le perron de l’Elysée. Le féminisme binaire criera victoire, les bobos de toutes sortes applaudiront le renouveau et la fin définitive du patriarcat fascisant, et la presse dans son entièreté la plus unanime produira des articles élogieux à la chaîne. Une femme à la tête d’une France décapitée, une femme à la présidence : on fera comme si le sexe de l’élue avait une importance plus capitale que les idées, idées qui par ailleurs n’intéresseront même pas, même plus. L’euphorie devant le symbole l’emportera sur toute autre considération ; nous serons enivrés par l’emblème au point de ne plus vouloir nous encombrer de ce matérialisme politique qui empêche les rêves. La situation du Proche-Orient, la Turquie dans l’Europe, la crise iranienne, l’économie mondiale, la délinquance, l’islamisation ; à quoi bon s’en occuper ? Nous aurons une femme au pouvoir en France, et c’est tout ce qui comptera !
Maxime Claren